C’est l’un des rêves que le cinéma a le plus souvent filmé et que les surréalistes adoraient : voyager dans le temps, ici son passé, de L’aventure de Mme Muir à Hibernatus, en passant par Peggy Sue s’est mariée dont Camille redouble constitue le remake inavoué. Le film de Noémie Lvovsky reproduit presque exactement le scénario du film de Coppola mais transpose l’aventure de son héroïne – Peggy Sue se retrouvait projetée dans l’Amérique des années 1950 - dans la France des années 1980, celle de La Boum et des walkmans, des sacs US et des filles attifées comme Cyndi Lauper. Après un nouvel an un peu arrosé, Camille (interprétée par Noémie Lvovsky elle-même), une mère de famille quadragénaire, alcoolique, malheureuse et en instance de divorce, se réveille le 1er janvier 1985, à l’hôpital et dans la peau de l’adolescente qu’elle fût, mais sans avoir rajeunie.

 

L’humour de Camille redouble provient d’une série de petits décalages et d’incongruités, qui caractérisaient déjà les premiers films de Noémie Lvovsky. Écarts entre la vie d’une ado ordinaire et la perception qu’en a cette quadra constamment étonnée d’être revenue dans son propre passé, écarts entre le corps affaissé de Camille (que nous, spectateurs, semblons être les seuls à remarquer) et les silhouettes juvéniles de ses camarades, écart de savoir surtout, entre la Camille d’hier et celle d’aujourd’hui, réunies à la faveur d’un coup de force scénaristique, en un seul corps.

Jean-Baptiste Thoret, Lycéens et apprentis au cinéma